Eh, Monsieur,
une cigarette ?
Une cibiche, ça n'engage à rien
Si j'te plais on fera la causette
T'es gentil, t'as l'air d'un bon chien
Tu s'rais moche, ce s'rait la même chose
J'te dirais quand même que t'es beau
Pour avoir, t'en d'vines pas la cause
C'que j'te d'mande : une pipe, un mégot
Non pas d'anglaises, ni d'bouts dorés
Ces tabacs-là, c'est du chiqué.
Du gris que l'on prend dans ses doigts
Et qu'on roule
C'est fort, c'est âcre comme du bois
Ça vous saoule
C'est bon et ça vous laisse un goût
Presque louche
De sang, d'amour et de dégoût
Dans la bouche.
Tu fumes pas, ben t'en as d'la chance
C'est qu'la vie, pour toi, c'est du v'lours
Le tabac c'est l'baume d'la souffrance
Quand on fume, l'fardeau est moins lourd
Y a l'alcool, parle pas d'cette bavarde
Qui vous met
la tête à l'envers
La rouquine qu'était une pocharde
A donné son homme à Deibler
C'est ma morphine, c'est ma coco,
Quoi ? C'est mon vice à moi l'perlot.
Du gris que l'on prend dans ses doigts
Et qu'on roule
C'est fort, c'est âcre comme du bois
Ça vous saoule
C'est bon et ça vous laisse un goût
Presque louche
De sang, d'amour et de dégoût
Dans la bouche.
Monsieur l'docteur, c'est grave ma blessure ?
Oui j'comprends, il n'y a plus d'espoir
Le coupable, j'en sais rien, j'vous l'jure
C'est le métier, la rue, le trottoir
Le coupable, au fait, j'vais vous l'dire
C'est les hommes avec leur amour
C'est le cœur qui se laisse séduire
La misère qui dure nuit et jour
Et puis je m'en fous, t'nez, donnez-moi
Avant d'mourir, une dernière fois...
Du gris, que dans mes pauvres doigts
Je le roule
C'est bon, c'est fort, ça tourne en moi
Ça me saoule
Je sens que mon âme s'en ira
Moins farouche
Dans la fumée qui sortira
De ma bouche.
|